Vie pastorale
La bergerie
Jusqu’au milieu du 20e siècle, les communautés villageoises étaient organisées autour de noyaux d’habitations entourés de cultures vivrières (potagers, vergers : u cìrculu). C’est à la périphérie qu’était organisée l’activité pastorale : a pastureccia. Elle se situait en zone littorale l’hiver : l'impiaghjera. Avec l’arrivée des chaleurs, aux environs du mois de mai, les bergers entamaient la transhumance, et les troupeaux étaient conduits en montagne (a muntagnera), en moyenne entre 1000 et 1700 mètres d’altitude.
Cette activité pastorale est aujourd’hui en voie de disparition. Les randonneurs ne trouvent bien souvent que des vestiges de ces bergeries (photo 1 et photo 2) de montagne lors de leurs parcours et les dégradations sont très rapides.
Cependant, un certain nombre de ces bergeries construites en pierre sèche (à l'asseccu) (photo 3 et photo 4) dressent encore fièrement leurs façades.
La bergerie en pierres sèches : organisation spatiale
Les bergeries sont toujours situées dans des endroits sécurisés, afin d’éviter les risques d’avalanche et les chutes de pierre. Ces lieux doivent également réunir des conditions particulières facilitant la vie et l’activité pastorale durant les quelques mois que le berger passe en montagne : vue dégagée pour surveiller le troupeau, proximité d’une source d’eau, présence de bois pour se chauffer et pour fabriquer le brocciu.
De tout temps, les bergeries ont été construites en pierres sèches, c'est-à-dire assemblée à sec sans mortier et calée avec des cailloux de moindre importance, avec des matériaux trouvés nécessairement sur place. Les bergers avaient besoin de constructions solides qui devaient être capables de protéger hommes, bêtes et productions fromagères tout en affrontant les rigueurs de la montagne. Ces éleveurs se sont donc avérés également maçons et architectes.
La bergerie en pierres sèches (u stazzu), habitat pastoral saisonnier d'altitude, est toujours composée des éléments suivants :
- La cabane du berger : a capanna di stazzu (on trouve également l'orthographe capana).
La cabane est l’habitat du berger. De dimensions généralement modestes, elle est de forme rectangulaire aux angles légèrement arrondis.
Sa toiture est une voûte en encorbellement (capanna à spurghjita), formée par superposition des pierres, jusqu’à, petit à petit, rejoindre le centre sans rupture d'équilibre. Le tout est recouvert de terre, que l’on devait remettre chaque année pour consolider l'édifice et assurer une bonne étanchéité (u rimunitòghju).
Des niches, e scaffe, aménagées à l'intérieur, font office d’espaces de rangement.
L'entrée est toujours surbaissée avec, pour linteau, une pierre un peu plus importante que les autres.
Devant la cabane se trouve un espace clos appelé tinellaghju, ceint d’un mur en pierres sèches. Il constitue le lieu de vie et d'activité du berger, qui y prépare notamment le fromage affiné (u casgiu) et u brocciu, denrée rare la plus aboutie de la production laitière corse, qui n'est ni la brousse, ni un fromage blanc. Dans un coin du tinellaghju se dressait généralement u palu, ou palu caghjinaghju, branche d’arbre mort (souvent un sorbier) servant à accrocher les différents ustensiles dont se servait le berger. Dans le mur d'enceinte du tinellaghju se trouvaient également des niches, e scaffe, et en particulier l'acquaghjolu, niche dédiée à a sechja, seau à eau. - les caves fromagères d'affinage : i casgili.
Les fromages une fois faits étaient affinés dans les casgili. Construits en pierres sèches sur le même principe que les cabanes, ils sont moins hauts, afin de conserver au mieux la fraicheur à l’interieur, et possèdent une entrée très réduite, par laquelle on se glissait à plat ventre (photos 15 et photo 16), fermée par une petite porte en bois massif. Suivant la configuration du terrain, ils pouvaient être aménagés dans des cavités rocheuses ou à flanc de pente dans la terre.
Plusieurs structures étaient destinées aux animaux : - A mandria : un parc à bestiaux permanent et parc à traire les caprins. Cette enceinte est ronde, à fruit inversé à l'intérieur du parc.
- U chjostru : un abri pour les jeunes cabris avant sevrage
- U compulu : un parc long et étroit dédié à la traite des brebis ( photo 18 et photo 19)
Les murs ceignant ces enclos étaient également bâtis en pierres sèches, et dépassaient rarement les deux mètres.
Ces constructions en pierres sèches sont les témoins d’un mode de vie que l’on retrouve dans toute la Méditerranée. Ces espaces traduisaient des savoir-faire et des savoir-être des bergers, que l'on peut dénommer estru pasturinu ou versu pasturignu. Ils traduisaient un art rustique pastoral, arterozu, et également un art dans l'élevage caprin et ovin, a pasturizia.
Bien que délaissées depuis longtemps, certaines sont encore en très bon état. Elles sont d’une grande valeur architecturale et historique. Elle risque néanmoins de disparaître, et il est donc primordial de préserver ce patrimoine.
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